jeudi 13 juillet 2017

Patrice de la Tour du Pin

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Légende

 
Va dire à ma chère Ile, là-bas, tout là-bas,
Près de cet obscur marais de Foulc, dans la lande, 
Que je viendrai vers elle ce soir, qu'elle attende,
 
Qu'au lever de la lune elle entendra mon pas.
  

Tu la trouveras baignant ses pieds sous les rouches,
Les cheveux dénoués, les yeux clos à demi, 
Et naïve, tenant une main sur la bouche,
 
Pour ne pas réveiller les oiseaux endormis.
   

Car les marais sont tout embués de légende,
 
Comme le ciel que l'on découvre dans ses yeux,
 
Quand ils boivent la bonne lune sur la lande
 
Ou les vents tristes qui dévalent des Hauts-Lieux.
   

Dis-lui que j'ai passé des aubes merveilleuses

A guetter les oiseaux qui revenaient du nord, 
Si près d'elle, étendue à mes pieds et frileuse
 
Comme une petite sauvagine qui dort.
   

Dis-lui que nous voici vers la fin de septembre,
 
Que les hivers sont durs dans ces pays perdus,
 
Que devant la croisée ouverte de ma chambre,
 
De grands fouillis de fleurs sont toujours répandus.
   

Annonce-moi comme un prophète, comme un prince,
 
Comme le fils d'un roi d'au-delà de la mer ;
 
Dis-lui que les parfums inondent mes provinces
 
Et que les Hauts-Pays ne souffrent pas l'hiver.
   

Dis-lui que les balcons ici seront fleuris,
 
Qu'elle se baignera dans les étangs sans fièvre,
 
Mais que je voudrais voir dans ses yeux assombris
 
Le sauvage secret qui se meurt sur ses lèvres,
   

L'énigme d'un regard de pure transparence
 
Et qui brille parfois du fascinant éclair
 
Des grands initiés aux jeux de connaissance
 
Et des couleurs du large, sous les cieux déserts...
  

 
Patrice de La Tour du Pin


Et peut-être très loin sur ces jambes polies,
Tremblant de la caresse encor de l’herbe haute,
Ce parfum végétal qui monte, lorsque j’ôte
Tes bas éclaboussés de rosée et de pluie ;
Jusqu’à cette rancœur du ventre pâle et lisse
Où l’ambre et la sueur divinement se mêlent
Aux pétales séchés au milieu des dentelles
Quand sur les pentes d’ombre inerte mes mains glissent,
Laurence … jusqu’aux flux brûlants de ta poitrine,
Gonflée et toute crépitante de lumière
Hors de la fauve floraison des primevères
Où s’épuisent en vain ma bouche et mes narines,
Jusqu’à la senteur lourde de ta chevelure,
Eparse sur le col comme une étoile blonde,
Où tu as répandu tous les parfums du monde
Pour assouvir enfin la soif qui me torture !

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