mardi 26 juin 2018

« Ici j’ai erré enchanté
ici j’ai erré encerclé
par la meute des chiens du verbe à imprimer
ils rêvaient de becqueter ma hanche bleue
j’étais la seule fente
à travers laquelle l’avenir tombait
dans le seau de la Russie
Mon ivresse de moi-même
était une descente de gouttière pour le demain
pour le panier des larmes de demain
Au loin à la fenêtre des nuits se tenait personne
Ce qui m’a rongé et tourmenté - cela sera
Comme un chien sauvage
je cours sur le sentier sacré
parmi les géants des vieilles mers
en suivant les étoiles
éclairé par l’asile de nuit stellaire
Ô magnifiques bat-flanc noirs ! »
Et ceci aussi que l’auteur nomme et titre « Langue personnelle » :
« Pchi Pchi mekhro mero
Piooutcha !
Pliam bliam évo !
Zizogzagui
Zizoparole !
Ah ! Ouk ! »
Et encore cela, sans titre, en 1921 :
« Du haut de la verhaerène
volait une cognante
paroles d’azur-brûlant des silenciels
coulurants des torsadiels des soirs
Derrière le morcil de la pluie
la pensée du soir s’était drapée pour ne pas lire
Le languissier de la profondeur
glissait comme une polissonne par les lèvres du défilé
Toutes les sombremasses étaient en blanc ».
Autant de textes signés Vélimir Khlebnikov.
« C’est le plus grand »
Loin de Moscou, loin aussi des steppes kalmoukes de son enfance, Vélimir Khebnikov meurt à 37 ans le 28 mai 1922 dans le village de Santalovo dans les environs de Novgorod. En lui disparaît « le chevalier le plus magnifique et le plus probe dans notre combat poétique », écrira Maïakovski au lendemain de cette disparition. S’opposant aux symbolistes sans pour autant se cantonner dans le cubo-futurisme version russe, Khlebnikov trace un chemin bien à lui, explore la langue russe en scientifique autant qu’en poète tout en en explosant les frontières. C’est un inventeur, un découvreur, un chercheur, « le Christophe Colomb de nouveaux territoires poétiques », écrit encore Maïakovski, un « grand poète archaïque » et une « taupe » qui « a creusé dans la terre des galeries pour l’avenir, au-delà de son siècle », écrit pour sa part Ossip Mandelstam. Ami fidèle de Khlebnikov, le linguiste Roman Jakobson le portait aux nues : « c’est le plus grand ».

https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-thibaudat/blog/100917/lisez-velimir-khlebnikov?

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