samedi 21 mars 2020

« Il a été tiré de son sommeil – ça pouvait être la mi-nuit ou plus – par un grand cri qui est venu le toucher dans l’oreille comme une pierre :
— C’est Mamèche !
Sans voir la porte, en deux sauts, il a été dehors. Il avait encore les yeux collés de sommeil.
C’était bien la Mamèche. Elle était là-haut, sur le rempart avec du feu dans la main. Elle haussait la main et le feu. On la voyait tout entière. Elle avait mis sur la tête son fichu noir. La fumée du feu montait vers le nord.
— Que tu as ? crie Panturle de toutes ses forces.
— Rien.
— Malade ?
— Non.
— Alors ?…
Un moment sans répondre ; on dirait qu’elle prend des forces pour bien crier, bien dire.
Elle montre le sud avec son flambeau :
— Ça vient, ça vient !
Elle n’est pas un peu folle ? se demande Panturle.
Quand même il se retourne vers le sud, lui aussi. Ça a changé depuis la tombée du jour : une force souple et parfumée court dans la nuit. On dirait une jeune bête bien reposée. C’est tiède comme la vie sous le poil des bêtes, ça sent amer. Il renifle. Un peu comme l’aubépine. Ça vient du sud par bonds et on entend toute la terre qui en parle.
Le vent du printemps ! »
Jean Giono, "Regain"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire