samedi 23 mars 2019

’une alliance. Je t’ai simplement fait remarquer qu’il n’y en avait probablement pas de la taille de tes doigts effilés. Nous sommes entrés quand même dans le magasin. La vendeuse est allée chercher sa plus petite alliance, mais elle était encore beaucoup trop grande pour toi.
Le bijoutier, qui me connaissait, est intervenu.
– Nous pouvons vous la mettre à sa mesure pour demain.
Et c’est ainsi qu’à l’âge de huit ans, neuf peut-être, tu portais fièrement un cercle d’or à ton annulaire.
Un jour tu m’as dit, en mettant ta main à côté de la mienne :
– C’est juste la même que toi.
Et alors seulement j’ai eu le soupçon encore assez vague que tu connaissais plus que je ne le supposais l’utilisation des alliances.
Au cours des ans, il a fallu l’élargir deux ou trois fois car tu tenais obstinément à la porter. Et tout récemment, lorsque j’ai reçu la lettre où tu exprimais tes dernières volontés, j’ai vu que tu voulais être incinérée avec ton alliance.
J’ai donné des instructions en conséquence et maintenant, dans notre petit jardin, il y a un tout petit peu d’or mêlé à tes cendres.
Ce qui me rappelle un autre souvenir déjà lointain. Lorsque tu devais, pour une raison ou pour une autre, retirer ta bague, comme tu disais, ne fût-ce qu’un moment, tu refusais de la remettre toi-même et tu me demandais chaque fois de le faire (…). »

Georges SIMENON, "Mes dictées", mercredi 31 mai 1978.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire