ACTE
III SCÈNE II.
JOCASTE,
seule.
Dureront-ils
toujours ces ennuis si funestes ?
N'épuiseront-ils
point les vengeances célestes ?
Me
feront-ils souffrir tant de cruels trépas,
Sans
jamais au tombeau précipiter mes pas ?
Ô
ciel ! que tes rigueurs seraient peu redoutables,
|
Si
la foudre d'abord accablait les coupables !
Et
que tes châtiments paraissent infinis,
Quand
tu laisses la vie à ceux que tu punis !
Tu
ne l'ignores pas, depuis le jour infâme,
Où
de mon propre fils je me trouvai la femme,
|
Le
moindre des tourments que mon coeur a soufferts,
Égale
tous les maux que l'on souffre aux Enfers :
Et
toutefois, ô Dieux, un crime involontaire
Devait-il
attirer toute votre colère ?
Le
connaissais-je, hélas ! ce fils infortuné ?
|
Vous-mêmes
dans mes bras vous l'avez amené.
C'est
vous dont la rigueur m'ouvrit ce précipice.
Voilà
de ces grands Dieux la suprême justice,
Jusques
au bord du crime ils conduisent nos pas,
Ils
nous le font commettre, et ne l'excusent pas.
|
Prennent-ils
donc plaisir à faire des coupables,
Afin
d'en faire après d'illustres misérables ?
Et
ne peuvent-ils point quand ils sont en courroux,
Chercher
des criminels à qui le crime est doux ?
Les Litanies de Satan
Charles
Baudelaire
Ô
toi, le plus savant et le plus beau des Anges,
Dieu trahi par le sort et privé de louanges,
Dieu trahi par le sort et privé de louanges,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Ô
Prince de l’exil, à qui l’on a fait tort,
Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
qui sais tout, grand roi des choses souterraines,
Guérisseur familier des angoisses humaines,
Guérisseur familier des angoisses humaines,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
qui, même aux lépreux, aux parias maudits,
Enseignes par l’amour le goût du Paradis,
Enseignes par l’amour le goût du Paradis,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Ô
toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante,
Engendras l’Espérance, — une folle charmante !
Engendras l’Espérance, — une folle charmante !
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
qui fais au proscrit ce regard calme et haut
Qui damne tout un peuple autour d’un échafaud,
Qui damne tout un peuple autour d’un échafaud,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
qui sais en quels coins des terres envieuses
Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,
Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
dont l’œil clair connaît les profonds arsenaux
Où dort enseveli le peuple des métaux,
Où dort enseveli le peuple des métaux,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
dont la large main cache les précipices
Au somnambule errant au bord des édifices,
Au somnambule errant au bord des édifices,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
qui, magiquement, assouplis les vieux os
De l’ivrogne attardé foulé par les chevaux,
De l’ivrogne attardé foulé par les chevaux,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
qui, pour consoler l’homme frêle qui souffre,
Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,
Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
qui poses ta marque, ô complice subtil,
Sur le front du Crésus impitoyable et vil,
Sur le front du Crésus impitoyable et vil,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Toi
qui mets dans les yeux et dans le cœur des filles
Le culte de la plaie et l’amour des guenilles,
Le culte de la plaie et l’amour des guenilles,
Ô
Satan, prends pitié de ma longue misère !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire